Une communauté de femmes libre de penser, « féministes » et subversives. Mi-religieuse mi-laïque.
Ces femmes aspiraient à une autonomie économique, intellectuelle, spirituelle et sociale. Femmes de toutes conditions sociales, pieuses ne prononçant pas de vœux et pour la durée qu’elles voulaient.
Ces communautés ont été fondées dès la fin du xiie siècle, le plus souvent dans les villes du nord de l'Europe et à l'initiative de riches bourgeois. Vers 1300, le mouvement est bien organisé et se répand en Alsace, en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France, et le Luxembourg.
Le premier groupe de béguines historiquement daté se développe autour de Marie d’Oignies, (1177 – 1213), elle fut à l’ origine et à l'organisation du mouvement des béguines à Oignies, dans le Hainaut belge. Mais l’on ignore l’origine exacte des premières béguines. A noter, qu’il existait aussi une communauté masculine qui était les béguins ou béguards.
Marie D' Oignies (1177/1213)
C’est le Roi Saint Louis ou Louis IX qui installa en 1264 à Paris, la communauté des Béguines dans le quartier du Marais.
"Et fist em plusuers liex de son roiaume mèsons de beguines, et leur donna rentes pour elles vivre, et commanda l'en que en y receust celes qui vourroient faire contenance à vivre chastement" (Jean de Joinville, Histoire de Saint Louis, Paris, Firmin-Didot, 1859, p232).
Cette communauté des Béguines accueillait des femmes laïques (parfois avec leurs enfants) qui, sans prononcer de vœux, souhaitaient mener une vie pieuse et dévote. Refusant le mariage qui est une forme de soumission. Cette communauté s’appelait «Libre Esprit». Des centaines de femmes (environ 400 à Paris) vivaient, étudiaient ou travaillaient comme bon leur semble. Elles habitaient des maisons individuelles regroupées et encloses dans un béguinage.
L'absence de clôture et d'habit leur permettait de travailler à l'extérieur du couvent, notamment dans l'artisanat : couturière, tisserande, lavandière, mais aussi dans l’enseignement, santé (hôpitaux, sages-femmes, aide-malade), le soin aux mourants, les enterrements… Leur couvent (béguinage) était adossé à l'est de l’enceinte Philippe –Auguste ( édifiée entre 1190 & 1209) dont on peut voir les vestiges rue des jardins Saint Paul. Les rues aux alentours étaient habitées également par des béguines. Il ne reste rien des béguinages royaux qui fut fermé en novembre 1317, et tombé en ruine en 1470, il se trouvait à l’emplacement de l’annexe du lycée Charlemagne (Paris 4ème).
Dans une lettre du pape Jean XXII à l’évêque de Strasbourg, il est dit qu’en 1321 près de 200.000 béguines vivent dans la seule Allemagne occidentale. En 1372, 1300 béguines vivent à Bruxelles, plus de 4% des 30.000 habitants d’alors. Ça serait un million de béguines en Europe à l’époque de son apogée.
Elles étaient protégées par le roi (à Paris, par Louis IX et ses successeurs) et mal aimées par les papes de Rome. Mais elles dérangeront les états et les hautes instances religieuses. Elles feront parties de la grande chasse aux sorcières. L’évêque de Cambrai fait brûler le livre de la béguine Marguerite Porete « Le miroir des âmes simples et anéanties » à Valenciennes. Cette dernière brûlera vive sur le bûcher quelque temps plus tard le 1 juin 1310 sur la Place de grève à Paris.
Marguerite Porète (1250/ 1310)
Marguerite Porète a été brûlée vive 1er juin 1310 avec son livre « le miroir des âmes simples et anéanties » en place de Grève à Paris.
Le pape Clément V écrit le21 mars 1314 un décret contre les béguines lors du concile de Vienne, abolissant le statut des béguines et le condamnant.
C’est ainsi qu’en deux siècles, les béguines disparurent partout en Europe, sauf en Flandres. La dernière béguine est morte en 2013 à Courtrai (Belgique).
La Nuit des béguines d'Aline Kiner, (paru aux éditions Liana Levi) est un roman qui parle des béguines. Résumé de l’ouvrage :« L'histoire se déroule entre 1310 et 1314. Si le royaume de France est encore le plus puissant de la chrétienté, les équilibres féodaux ont basculé. Le clergé tente donc de mettre au pas tous ceux qui échappent à son autorité et le statut des béguines va être condamné. Pour des centaines de femmes seules, pieuses mais laïques, cette institution offrait une alternative au mariage et au cloître. Ne subsisteront que quelques rares survivances dans les Flandres. »
Paris sous Philippe-le-Bel. Hommage à Aline Kiner, auteur de "La nuit des béguines" vidéo.
« La vieille Ysabel, qui connaît tous les secrets des plantes et des âmes, veille sur les lieux. Mais l’arrivée d’une jeune inconnue trouble leur quiétude. Mutique, rebelle, Maheut la Rousse fuit des noces imposées et la traque d’un inquiétant franciscain… Alors que le spectre de l’hérésie hante le royaume, qu’on s’acharne contre les Templiers et qu’en place de Grève on brûle l’une des leurs pour un manuscrit interdit, les béguines de Paris vont devoir se battre. Pour protéger Maheut, mais aussi leur indépendance et leur liberté. » Extraitdu livre La Nuit des béguines d'Aline Kiner (née le 18 juin 1959/décédée le 7 janvier 2019).
Les béguines ont jeté les fondations d'un mode d'habiter émancipateur et communautaire construit sur un socle de valeurs solidaires.
Aujourd'hui seule la Belgique conserve encore un nombre significatif de béguinages, dont certains (13) sont classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Le Grand Béguinage de Louvain en Belgique, datant du 13ème siècle, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco le 31 mars 2000.
Béguinage de Courtrai, inscrit au patrimoine de l’Unesco en 1998.
Un autre livre intéressant sur le système des béguinages, l’architecture et cette vie en communauté féminine. Ce livre est un mémoire de fin d’études d’architecture. Relatant comment des femmes se sont emparées de l’architecture pour concevoir des espaces d’émancipation.
Des béguinages à l'architecture féministe. Comment interroger et subvertir les rapports de genre matérialisés dans l'habitat? D’Apolline VRANKEN, paru aux éditions l’université des femmes.
Les néobéguinages (béguinages modernes) accès sur la solidarité et espaces participatifs se développent beaucoup en Allemagne et en Autriche.
Par exemple : la ferme de Lieselotte, « béguinage » moderne, créé en 1998 à Tännich (Allemagne) où des femmes de tous âges et conditions, peuvent vivre en communauté pour s’entraider et échanger leurs expériences et leurs pratiques. Le « béguinage » moderne existe également en France, particulièrement dans le Nord, ou c'est un mode de vie collectif où les retraités vivent dans une certaine communauté, en alternative à la maison de retraites.
Il est intéressant de voir que certains espaces s'inspire en quelque sorte des communautés de Béguines, comme les Babayagas à Montreuil (Paris) , qui dessinent une solution alternative, pour les femmes âgée ayant une petite retraite afin d'avoir un logement décent. Née à l'initiative de Thérèse Clerc (1927/2016), militante féministe qui a aussi créée la "Maison des femmes" en 2000, et rebaptisé "Maison des Femmes Thérèse Clerc de Montreuil". https://maisondesfemmes.org/
La maison Babayagas a été inauguré en 2013 à Montreuil (Seine-Saint-Denis). «Terre utopique » née du désir d’une vingtaine de femmes de construire un environnement fondé sur les valeurs de l’association qui la porte : autogestion, citoyenneté, écologie, féminisme, laïcité, solidarité. Ou vivent une vingtaine de femmes de plus de 60 ans. N’oublions pas que les femmes souffrent de précarité en matière de logement. Il a fallu plus de 10 ans, de courage et de ténacité à Thérèse Clerc et ses amies féministes pour lancer ce projet atypique. Un projet très positif qui inspire des espagnoles.
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Alexandra -
Alternatif World